La maladie chronique est considérée comme un accident de la vie pouvant créer une détresse psychologique. Le fait que cela soit encore tabou, nous empêche d'y voir un événement normal. Nous avons besoin de temps pour accepter un tel changement dans notre vie. Exactement comme un deuil, la perte d'un être cher, nous fait vaciller. Exactement comme nous avons besoin de temps, pour vivre sans la personne chère, ou porter [voir supporter] notre deuil. Même si les étapes du deuil sont connues par les psychologues, il est vrai que personne ne vie son deuil de la même manière. Le deuil peut être collectif, mais en réalité, il est avant tout individuel. C'est pourquoi ces périodes de vie sont si difficiles. Nous franchirons tous, les cinq étapes du deuil: déni, colère, négociation, dépression, acceptation. Parfois nous ne les franchissons pas toutes. Parfois, certaines sont très rapides, et d'autres très longues. Parfois, nous les franchissons dans un joyeux désordre ne permettant pas aux autres de suivre notre logique. Mais surtout, même bien accepté, de façon cyclique, les grands anniversaires, peuvent réveiller la douleur psychique provoquée par la perte et nous faire recommencer un cycle de deuil. Nous le faisons inconsciemment, et c'est un besoin pour notre cerveau. Nous avons besoin de ce temps, pour recadrer nos câbles, nos connections, faire le lien entre vécu, émotion et réadaptation. C'est bien l'expérience de multiples deuils, qui nous fait découvrir la nostalgie, émotion non douloureuse, pas totalement agréable, mais qui est la preuve d'un long vécu émotionnel.
Tout deuil, nécessite une étape dépressive. Un épisode dépressif est bien une étape de santé mentale, ou de fragilités émotionnelles nécessitant toute notre attention. On ne sait pas quoi faire, face à la dépression d'un être cher, mais il suffirait de se dire, que l'état dépressif fait partie des étapes de deuil, et que le deuil, lui est beaucoup plus fréquent que ce que l'on s'imagine. En pensant ainsi, l'on se rend compte, que tout ce qui compte pour aider un être auquel on tient, c'est d'être présent, prêt à recevoir l'émotion telle qu'elle est, et telle qu'elle s'exprime. Cela ne signifie pas que nous en soyons capable. C'est d'ailleurs pourquoi il existe des spécialistes de la libération de l'émotion pour faciliter l'acquisition d'un équilibre en santé mentale: les psychologues.
Avoir une maladie chronique, c'est vivre un enchainement de petits deuils. Pas de mort d'homme, mais bien des pertes. Certaines de ses pertes sont plus difficiles à vivre que d'autres; c'est pourquoi la médecine a établie et vérifiée une corrélation forte entre maladie chronique et état dépressif. La dépression étant elle-même une maladie chronique.
Et comme la maladie chronique, peut avoir des variations, avec des moments où se cumulent quelques mauvaises journées, quelques difficultés. Cela tend fortement nos relations aux autres, cela peut faire de nous des personnalités difficiles à vivre, source de conflits. Les conflits sociaux provoquant un sentiment général de mal être, ou plutôt de souffrances psychiques, plus ou moins fortes, qui sont toutes sources de fragilités mentales. Dans une société compétitive, avec un système de valeur corrélé non aux êtres, mais à l'avoir des êtres, accepter qu'être malade chronique signifie forcément avoir une fragilité psychique, n'est pas évident. Les réticences sont nombreuses, même en ayant conscience du phénomène, ce n'est jamais la même chose de savoir, que de le vivre. Ici il y a un deuil à faire, accepter que nous ne sommes pas des surhumains. Vivre avec une maladie chronique, c'est forcément changer de regard sur l'idée même que l'humain aurait une santé mentale linéaire, sans accros, sans nuances. L'on compare souvent la mauvaise santé mentale, a "broyer du noir", notre langage insiste sur cette absorption totale de couleur que représente le noir. C'est oublier qu'il n'existe peut-être qu'un seul noir, mais qu'en réalité, le monde de la santé mentale c'est un mélange de gris. Et comme le dit un célèbre titre, le gris a des nuances!
Lorsque l'on a un rhumatisme inflammatoire chronique, l'on franchi étape par étape, des périodes plus difficile. Même en faisant tout, en suivant scrupuleusement les conseils médicaux, parfois sans que l'on sache pourquoi, notre santé se dégrade, et nous devons ajouter un nouveau deuil, à notre frustration. Parfois les frustrations et deuils -réduire sa participation aux événements familiaux, faire une croix sur une activité détente, dire non à tout contact sociaux, réduire tous ses déplacements à aller jusqu'au médecin....- s'enchainent tellement vite, que notre cerveau, (cette vieille machinerie), n'a pas eu le temps d'apprécier le changement, s'est fait bousculer dans tous les sens, que l'on ne va pas si bien que cela. Parfois, s'ajoute en plus un brouillard mental, symptôme réel d'un état dépressif, mais aussi simple effet secondaire de certains traitements. Cet état de brouillard mental, bien connu en psychiatrie, est particulièrement difficile à vivre. Vous ne vous reconnaissez pas. Vous ne vous comprenez plus. Et vous êtes mentalement au ralenti. Donc potentiellement en incapacité de solutionner des problèmes simples de la vie, tel qu'organiser vos courses. Alors dans cet état si particulier, comment trouver l'énergie de démêler le fil de vos pensées négatives. C'est pourquoi considérer que le bien être mental est aussi important, que le bien-être physique est absolument nécessaire.
Le problème est que la santé mentale étant un tabou, ne parler à personne de ses souffrances psychiques, passagères, peut se transformer en difficulté psychique plus importante. La dépression, qui touche 11% des français, en plus d'être une comorbidité de plusieurs maladies chroniques, est une maladie mentale grave. Une dépression, un état anxieux, est bien plus grave que simplement avoir un petit passage à vide, parce que nous avons eu trop de choses émotionnelles à gérer en même temps, où que nous n'avons pas encore pris le temps d'accepter les changements subits par notre maladie, de décrypter ce que cache chaque émotion négative ressentie. D'un autre côté, tout le monde n'est pas prêt à entendre vos souffrances. Lorsque nous sommes réellement à l'écoute d'un autre être humain, l'on engage l'ensemble de notre charge émotionnelle. Cela demande une capacité de recul, et une profonde connaissance de soi-même, pour percevoir en amont ce qui va nous bousculer, et pouvoir dire stop car nous ne sommes plus en capacité d'entendre, avons besoin d'une pause ou autre. C'est pourquoi, je pense vraiment, qu'un suivi psychologique devrait être inclue à toutes les ALD. Il ne s'agit pas d'un luxe, mais d'une nécessité, car une affection longue durée, signifie forcément vivre des deuils, des frustrations. Et même, si certains d'entre nous ont la capacité de transformer nos souffrances en quelques choses de positif (journal intime, poème, association, toiles, musique....), nous ne le faisons pas seul. Nous pourrons peut-être nous passer des psychologues lorsque la société considèrera enfin la souffrance psychique comme une norme et non une infâmie. Mais même dans ce cas, le psychologue sera bien plus amène de repérer qu'un simple petit coup de mou est en train de se transformer en état dépressif. Bien davantage qu'un médecin traitant, tout simplement car c'est son cœur de métier, comprendre le système de pensée du patient, et l'accompagner non pas à se transformer, mais à accepter ce qu'il est, avec ses forces et ses fragilités.
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