Les rhumatismes sont tous invalidants, handicapants pour le quotidien, et dégénératifs.
Avoir un rhumatisme, c'est aussi réfléchir au sens à donner à certain mot. Ils sont parfois lourds de sens, chargés émotionnellement et très difficiles à accepter pour de nombreux patients.
- Une maladie_ Tout rhumatisme, dégradant l'usage d'une ou plusieurs articulations, a des conséquences sur les capacités d'un individu. Ne pas pouvoir être en pleine possession de ses capacités physiques, c'est la définition d'une maladie. Le monde médical préférera le terme de pathologie, au sens de symptômes, causes, et traitements. L'objectif du rhumatologue est le soin, pas forcément la guérison.
- Un trouble_ Il s'agit d'une altération d'une fonction. Les rhumatismes altèrent bien la fonction locomotrice. Aussi, un rhumatologue préfèrera peut-être parler de trouble, tandis qu'un médecin traitant de maladie. Les deux ont totalement raison. Mais comme les mots ont un fort impact sur celui qui les reçoit, et sont chargés par celui qui les emplois, c'est bien notre propre appropriation et histoire personnelle avec ces deux mots, qui facilitera l'entente du discours médical, qui fondamentalement sera identique, mais n'utilisera pas les mêmes termes.
- Une invalidité_ C'est l'incapacité a avoir une vie normale. Douleurs, fatigues et parfois, voire souvent, gêne ou perte de mobilité, sont le lot quotidien des rhumatisants. Pour le coup, ce fut le plus dur à accepter. Non pas le mot, mais le fait. Quand à un peu plus de 35 ans, du jour au lendemain, vous mettez à peu prêt 20 minutes pour faire 200 mètres, l'incapacité physique vous saute aux yeux. Passer d'une vie très active, de jeune maman, à une impossibilité de se mouvoir, ou rien que prendre une douche est épuisant, est .....ANGOISSANT.....Pour moi, ce fut l'émotion principale de cette période, devenir invalide, cela signifiait accepter de dépendre des autres, de devoir non pas ralentir, mais de limiter ses petits mouvements à l'essentiel, ce qui signifie avoir une journée de "mémère". Pour le coup, là le "rhumatisme maladie de vieux", surtout maladie qui vous fait vous sentir extrêmement vieille.
- Un handicap_ J'adore l'histoire de ce mot! Un handicap dans le sens courant c'est une gêne. Il n'y a pas photo, avoir un rhumatisme, c'est avoir une gêne. Lorsque la gêne est au point ou se doucher, cuisiner son repas, ou simplement se déplacer d'une pièce à l'autre devient éreintant, que vos mains n'ont plus assez de poigne, qu'il vous faut de l'aide pour ouvrir un pot de yaourt: l'handicap est indéniable. C'est pourtant le terme le plus difficilement accepté par de nombreux patients. Cela est vraiment dommage et dommageable, car à partir du moment où l'on accepte avoir un handicap, en France nous bénéficions d'une reconnaissance et donc la société nous vient en aide. Ce qui est le plus dommageable, c'est qu'il s'agit d'une méconnaissance de ce terme. Dans le domaine sportif, et ce depuis l'antiquité, avoir un handicap, c'est un désavantage que l'on donne au meilleur, pour donner une chance aux autres. Alors être handicapé, comme le souligne Artus, c'est effectivement avoir Un p'tit truc en plus. Lorsque l'on dépend des autres pour notre quotidien, l'acceptation de cette dépendance, demande une profonde humilité et un sens profond que le plus important n'est pas notre utilité mais bien d'être et si possible le plus présent aux autres.
- Une dégénérescence/ dégradation_ C'est le fait que notre état se dégrade. Le déclin est inévitable dans une vie, bien que nos sociétés déploient de nombreuses stratégies pour ne pas faire face à cette réalité de la vie. La dégénérescence, est aussi très difficile à accepter; car quelque soit ce qui est mis en place, elle est inexorable. Je suis quelqu'un qui me bouge, qui suit ses rendez vous médicaux scrupuleusement, qui prend soin de moi en adaptant mes activités à mon état global et non l'inverse et pourtant, d'années en années, mes articulations se dégradent. De loin, tout parait fonctionner au mieux, je marche, je nage, je travaille, je passe du temps avec ma famille. Mais de près, il est de plus en plus difficile de monter tel escalier, mes demandes d'aides pour ouvrir un pot de yaourt sont plus nombreuses, j'écourte mes activités de loisir, car je fatigue vite, quelques articulations se déforment, d'autres sont de plus en plus capricieuses. Il s'agit bien sûr du cycle naturel de la vie, avec l'âge, la maturité comme qui dirait, le corps ne suit plus. Sauf qu'avoir un corps d'une jeune dame de 90 ans, quand on en a 40, cela révèle tout de l'inégalité face à la santé.
- Guérison_ Pour le médecin, il s'agira d'être totalement rétabli d'une maladie. Mais un rhumatisme, est ce une maladie, un trouble, une invalidité, ou un handicap? Un peu tout à la foi! A l'heure actuelle, les rhumatologues sont dans l'incapacité de guérir l'ensemble des plus de 200 rhumatismes existants. Alors "pour que j'aime être sain, vaincre la maladie", est une parole qui a pris un sens nouveau dans ma vie depuis le diagnostique. L'envie est toujours là, mais sa saveur est particulière. Les rhumatologues soignent mais ne guérissent pas. Ils apaisent les maux, mais n'écartent pas le mal. Qu'il doit être difficile pour eux de suivre, ses patients impatients, dans une société où la moindre contrainte est vécue comme un chaos.
- Santé_ La santé ne peut être exempte de maladie pour un rhumatisant en conséquence. C'est finalement autre chose. En médecine, on parle de fonctionnement de l'organisme, dans tous ses pans: organes, psyché, équilibre global, fonctionnement harmonieux. Comme le rhumatisme est de toute façon présent en permanence, au bout d'un moment, on fini par considérer que la dégradation générale des articulations, les effets secondaires de l'activité de la maladie, ou des médicaments sont une situation normale. Jongler entre ces deux antinomies que sont maladie et santé en permanence, est un quotidien assez déstabilisant pour les patients, et leur proches. Je suis en bonne santé, je n'ai pas de rhume, de grippe, d'os cassé, de dépression. Je peux faire des activités, je peux suivre mon quotidien. Et l'instant d'après, je ne peux pas réaliser tel geste comme avant, je suis essoufflée d'avoir simplement cuisiné par exemple. Je constate que je ne suis pas en bonne santé. Si cela est difficile pour moi, quant est-il de mes proches, qui eux ne voient que mon humeur changer, mon visage se fermer, mais ne peuvent m'aider à accepter la notion de maladie chronique?
- Bien-être_ C'est l'OMS qui est à l'origine de cette définition. Le bien-être, va au delà de l'absence de maladie. Il s'agit d'un état global, multifactoriel. Être à l'aise dans son corps, dans sa tête et avec les autres. Par ses limites floues, sa complexité conceptuelle, cette notion est beaucoup plus facile à adapter à un patient chronique.
- Nous allons tous chez notre médecin lorsque nous n'allons pas bien. Je fais un aparté pour remercier ma médecin traitant, c'est une perle. Lorsque j'ai rendez vous avec elle, c'est bien mon état de bien-être qu'elle cherche à analyser, afin d'adapter les propositions de traitements. Dans mon corps, forcément j'ai une maladie chronique, dont les traitements de fond ont des effets secondaires nombreux, une fois ceux-ci passés en revue, qu'en est-il du reste? Puis viennent le questionnement sur comment je me sens, ce que je ressens, ma psyché. Comme pour tout malade chronique, la dépression est une comorbidité. Et si elle s'installe, elle entraîne invariablement une modification de notre propre rapport à notre intimité médicale, dégradant ainsi notre capacité à prendre soin de nous même. Et enfin, il y a les relations aux autres, ma médecin traitant fini toujours par me demander comment ça va avec mon entourage personnel, professionnel, amical. Je la remercie, pour toute l'humanité qu'elle met dans mon rendez-vous. Je me sens respectée, comme individualité, comme femme, comme malade chronique.
En rebattant les cartes, en bousculant nos représentations, ou plutôt en réécrivant le dictionnaire, avoir un rhumatisme, ou une maladie chronique, c'est bien avoir une nouvelle définition de la vie à partager.
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