Quand un grain de sable, enraye l'équilibre précaire.


 L'une des caractéristiques des maladies inflammatoire chronique, c'est que de temps en temps, tout s'enraye. Un tout petit changement, vient complètement bloquer la machine et tout se dérègle. Le déséquilibre, au profit de votre santé se met en place. La chute, ou rechute, en tout cas votre état se dégrade plus ou moins vite. Et ensuite, le chemin est très long pour revenir à un état de stabilité, un équilibre tout aussi précaire mais néanmoins plus facile à vivre. 




Le grain de sable. 


Le grain de sable, n'est pas toujours très gros. 
Parfois, c'est une poussée inflammatoire plus forte que les autres. 
Parfois, c'est un de nos traitements que l'on ne supporte plus. 
Parfois, c'est un état de stress, complètement extérieur, une charge de travail, un événement de vie, mais qui nous fatigue tellement que cela nous rend plus fragile. 
Parfois, c'est une autre maladie, dite classique, un rhume, une grippe, une otite, un virus.
Parfois, c'est le rhumatisme qui prend plus de place et grignote davantage les articulations. 
Parfois, c'est un trop plein de toutes petites poussées inflammatoires. 
Parfois, c'est à cause d'une fatigue un peu plus forte, parce que tous les jours les douleurs sont présentes.
Parfois, c'est l'apparition d'une comorbidité, que ce soit un signe d'appel, une alerte, ou une franche installation d'une autre maladie chronique. 
Parfois, c'est un cumul de tout ces petits grains de sable qui en forme un plus gros. 


L'arrivée du grain de sable est assez rapide, car notre organisme luttant en permanence contre une inflammation, avec ou sans traitement de fond, est en lutte permanente. Il est plus sensible, plus fragile, et plus facilement une poussière, qui serait vécue comme telle par les autres, devient chez nous un petit caillou. 

Petit aparté, ce n'est pas pour rien que des campagnes sont organisées, pour inviter les patients chroniques à se faire vacciner contre la grippe. Chez les non malades, l'expression du virus, les rendra malade, une bonne semaine, les épuisera, les fatiguera. Mais chez un patient chronique, tout va se déséquilibrer. Non seulement, il serait très malade, frôlant bien plus facilement un état critique, tout simplement car au quotidien son organisme lutte déjà, ajouter un agent pathogène est délétère pour ce patient, mais en plus il mettra bien plus de temps à s'en remettre. 





La machine s'enraye. 

Lorsque le grain de sable, caillou, pierraille, roc arrive dans notre vie, ce n'est pas toujours prévisible. 
Parfois, cela est soudain et met un coup d'arrêt à notre quotidien, rendant nos difficultés tout de suite plus visibles pour notre entourage. Lorsqu'en une semaine, l'on n'arrive plus qu'à faire des petits tours de 500 mètres en quinze minutes, lorsque l'on s'épuise d'une simple course, lorsque l'on se plaint plusieurs fois par jour de douleurs, lorsque même nous tenir par la main nous déstabilise, lorsque l'on prend plus de temps pour chaque geste du quotidien. 
Parfois, c'est plus lancinant et progressif; ce n'est pas toujours visible, même pour nous. Dans ces cas là, j'avoue ne pas moi-même percevoir que je suis en train de franchir mes limites, que du simple manque d'huile, de graisse dans l'engrenage, en réalité un grain de sable est en train de devenir un gros caillou et de bloquer l'ensemble de mon organisme.  


Lorsque le grain de sable en fini par bloquer l'engrenage, tout se complique. Ce n'est pas simplement une articulation, qui est plus douloureuse, ou moins mobile. Ce n'est pas simplement une fatigue un peu forte, nécessitant une plus longue pause. Ce n'est pas seulement quelques désagréments digestifs, à cause des traitements. Ce n'est pas juste un passage moins bien. En réalité, lorsque le grain de sable, devient un peu gros, cela devient un déséquilibre de l'ensemble de notre état de santé. 






Le déséquilibre, est tel que tout en devient compliqué. 

Lorsque le caillou s'installe, il se transforme assez rapidement en rocher, bloc. Lorsque notre vie est tellement déstabilisée que nos routines de soin ne sont plus possibles, ou plus difficile à mettre en place. Le blocage, le mal-être, la descente se poursuit et est encore un combat supplémentaire à mener. 

En état global de déséquilibre depuis maintenant pratiquement trois mois, cela commence à véritablement me peser. Je me suis vue peu à peu, avec une incapacité de plus en plus forte. Des difficultés parfois nouvelles, nombreuses, et touchant absolument tous les pans de ma vie. Peu à peu, ne plus être capable de faire ne serait-ce que dix minutes de vélo d'appartement, prendre plus de temps pour me rendre à mon arrêt de bus le matin, ayant davantage besoin de m'allonger au cours de mes journées, être quand même bloquée dans mes mouvements malgré mon dérouillage matinal, me retrouver en difficulté cognitive telle qu'une tâche professionnelle me demande plus de temps. Cet état de déséquilibre, est un cumul de renoncements: moins de sorties, moins de visites, moins d'activités plaisantes, moins de temps avec les gens que l'on aime, car l'on ne tient pas. Des renoncements à faire nombreux, sans savoir si ce sont des renoncements temporaires, ou si en retrouvant un équilibre plus supportable, nous pourrons à nouveau tous les inclure à notre quotidien. Ce qui est difficile à vivre, lors de ces moments c'est que l'on a beau prendre soin de soi, faire attention, le déséquilibre reste la. Je sais que cet état est temporaire. Ce qu'en revanche, je ne sais pas, c'est la durée de ce temporaire. 


Lorsque j'ai un tel déséquilibre, que je n'arrive plus à marcher autant, à aller à la piscine, que ma séance de kiné est douloureuse et éreintante, qu'il m'est impossible d'avoir l'énergie nécessaire pour faire ma séance de vélo; qu'il est compliqué de poursuivre tout de même à intégrer ces routines. Elles sont très douloureuses, très difficiles. Lorsque cet état de déséquilibre s'installe, la déprime n'est pas loin. Pour le coup, même en faisant, même en se bougeant, même en s'activant, les douleurs, les fatigues, les maux en tout genre se poursuivent. Aucun symptôme ne se réduit franchement. On a l'impression, de perdre pied, de ne pas être maître de grand chose. On se fait vite à l'idée de devoir souffrir. En revanche, il est beaucoup plus difficile de se faire à l'idée de renoncer, car dans ces moments de déséquilibre, qui perdurent, je ne peux pas en faire autant qu'avant ce déséquilibre. J'en finis très souvent à me demander, que vais-je perdre cette fois-ci? 

A force, d'inactivité, ou de fortes douleurs pour mettre en place la routine si nécessaire à un état de usuel de mon organisme, chaque séance devient davantage difficile. De la même manière qu'un cercle vicieux, la limitation du mouvement, car l'on n'est en incapacité de les faire, entraîne une incapacité plus forte. Pourtant c'est nécessaire, car sans ce mouvement, le grain de sable a enrayé la machine, et la machine s'arrête. Mentalement, cela nous demande une grande force, et c'est bien notre entourage, nos soignants, qui peuvent être pour nous un soutien bienveillant. Ils sont notre béquille psychique, émotionnelle pendant ces passages tellement longs. Nous ne leur disons pas assez, mais nous savons à quel point notre entourage est une ressource. 






Le long chemin vers le rééquilibrage. 


Les périodes de déséquilibres, qu'elles durent un mois, six mois, un an, deux ans, sont très compliqués pour nous, mais aussi pour notre entourage quel qu'il soit. Lorsque j'entend mon mari, s'inquiéter, car lui a vraiment conscience de ma perte de capacité, de mes difficultés qui s'accroissent, elles sont tellement visibles de semaine en semaine et du fait qu'à côté, je ne lâche pas grand chose, je fais de mon mieux et mon maximum pour continuer à bouger, pour continuer à me soigner. Quand il s'inquiète et tente du mieux possible de m'aider, sans faire à ma place. Quand il essaie de me remonter le moral, parce que j'ai un petit coup de mou, au bout de trois mois de dégradation successive. Quand il s'inquiète, mais que je ne suis pas en état psychique et émotionnel de recevoir cette simple marque soutien et que je parai peu reconnaissante. Et que pourtant, il ne me le reproche jamais, car il sait qu'au quotidien la suite, le retour à l'état d'équilibre sera long. Il subit ce déséquilibre, qui remet en cause parfois notre vie familiale, ma vie sociale et est bien plus qu'une petite crise passagère. Mais il sait aussi, car nous l'avons déjà vécu, ce moment d'instabilité, de fortes fragilités, de pente glissante et de descente toujours plus bas, qui nécessitera ensuite un combat tout aussi long de rééquilibrage. Un retour à l'équilibre, qui sera dans un premier temps personnel, et nécessitera encore de sa part, patience, soutien, bienveillance. Puis une fois l'équilibre physique, émotionnel et psychique retrouvé, ce sera au tour de l'équilibre exogène, en commençant par l'équilibre familial, professionnel et social. (Pour le moment, c'est dans cet ordre de priorité que je met mes pans de vie, puisque le travail participe à ma vie sociale, mais peut-être que tout sera chamboulé et réorganisé après ce passage à vide qui traîne en longueur).  

Lorsque l'équilibre sera à nouveau présent, que je pourrai comparer l'avant et l'après, de cet état de crise semi-permanent, quels renoncements seront à faire définitivement? Je ne peux pas le savoir à l'avance, je n'en suis pas inquiète, ou angoissée, pour moi personnellement, je sais simplement que de nouveaux deuils se préparent, et que je devrai-encore travailler sur moi, pour les accepter. Que potentiellement, je vais encore devoir prendre du recul, réfléchir me poser, pour retrouver un équilibre de vie. Que ce nouvel équilibre à retrouver en sortie de crise, aura forcément un impact sur ma famille. Le déséquilibre étant global, en ce moment, il demande une forte adaptabilité à mon entourage. Mais je sais, que lorsque l'équilibre sera à nouveau permis, il redemandera à mes proches à nouveau, un travail pour revenir à un équilibre supportable pour tous. 

Il y a mes proches, ceux qui au quotidien vivent avec moi, ils constatent de jour en jour la dégradation de mon état global. Et j'ai la chance inouï, d'avoir des proches empathiques. Il y a ceux, amis, famille élargie, collègues attentionnés, autres patients, qui ont toujours été en capacité d'une écoute bienveillante, sans jugement, qui connaissent les tenants et aboutissants d'une maladie chronique, et qui sont finalement une petite aide passagère non médicamenteuse bienvenue. Ils n'ont pas forcément conscience, à quel point le simple fait de nous écouter, de ne pas nous donner de conseils, de faire preuve de patience face à tous nos refus, est bénéfique pour nous. Et puis il y a les autres, entourage plus ou moins lointain, éduqué ou non aux conséquences des maladies chroniques et du handicap- qui au mieux ont parfois quelques paroles pleines de bonne intention, tellement douloureuses pour nous; au pire, ne font pas grand cas de ceux qui les entourent et dans ce cas, sont clairement à éviter lors de ses périodes de fragilités. 

Je suis contente que mes collègues prennent de mes nouvelles, mais comment leur expliquer, que même si je fait attention, même si je prend soin de moi, cette fois-ci mon état n'est pas juste une petite poussée inflammatoire, qui demande quelques conciliations de leur part, mais bien une période de déséquilibre, à durée indéterminée. J'ai pu leur dire que ça allait mieux, ce qui est vrai, le pic est terminée, mais que pour autant, ma situation n'est absolument pas revenu à la normalité qu'ils me connaissent. Bénéficiaire d'une RQTH, le mot "normalité" n'a pas tellement de sens pour moi. Mais pour les autres, c'est un critère de repérage important. Malgré tout, je fini ma semaine sur les rotules, toujours en incapacité de me mouvoir très longtemps, je continue de souffrir. Je sais que je n'ai pas pour habitude de me plaindre sur mon lieu de travail, ni de vraiment montrer ou m'apitoyer sur mes difficultés quotidiennes, ce qui explique sûrement en partie que j'entende dans certaine réaction de mes collègue, une difficulté pour comprendre la différence entre mes petits râles, ou moments où je leur ait demandé conciliation, bienveillance et cette fois-ci, qui pour eux est le premier état de déséquilibre semi-temporaire qu'ils voient chez moi- car cette fois-ci le déséquilibre est tel, qu'il a nécessité un aménagement de poste. A la fois, c'est très flatteur que l'on vous demande comment vous allez, mais d'un autre côté, tellement difficile d'expliquer, voire réexpliquer, que non cette fois-ci, vous avez franchi vos limites, donc vous êtes non pas en simple crise passagère, mais en état de déséquilibre. Et que le retour à l'équilibre sera encore très long. En le réexpliquant, bien que cela ne me gêne pas forcément, cela montre à quel point nos maux invisibles, sont difficiles à percevoir. Les maladies chroniques sont bien un handicap invisible. Et nous sommes nombreux, à faire partie des 80% des handicaps, en difficulté, ou mis à mal émotionnellement par les œillères portées par notre société, surtout dans le monde du travail. 

Les épisodes de déséquilibres et rééquilibrages sont longs. Cette lenteur, cette nécessité de ralentir, n'est clairement pas pris de la même façon par tous. La chronicité a cela de compliquer pour l'extérieur. Autant le monde médical en a conscience. Autant les patients le savent, même si cela ne rend pas plus simple de le vivre. Autant certains proches comprennent ses difficultés, cette temporalité lente, traînante. Autant, ces périodes font de nous des êtres à contre-courant de notre société de l'immédiateté, de l'intensité des flux, tout en projetant un immobilisme de ce qui nous défini le plus profondément comme humain.  







Au delà des crises passagères, nous rencontrons parfois des épisodes, plus ou moins long, d'instabilité telle, que tous nos pans de vie sont déstabilisés. Tout commence par un tout petit grain de sable, qui fini par devenir caillou, lui même entraînant un enrayage de notre organisme. Dans ces moments là, notre rapport à la temporalité change, se redéfini encore. Notre rapport à la normalité, à notre fil de funambule est aussi fortement modifié par ces événements de vie. 
 

Les jours où?

 Vivre au quotidien avec un rhumatisme c'est avoir des jours avec et beaucoup de jours sans. 

En principe, le suivi médical a pour objectif d'inverser la tendance. Toutefois, comme les jours où, sont toujours présents, l'on apprend à connaitre ce corps, cette âme qui souffre et comment être notre propre meilleur ami. 



Les jours où j'ai mal à en pleurer? 



-J'utilise des antidouleurs, même si cela signifie perdre un peu mes capacités cognitives. Je renonce à mon esprit le temps de quelques heures. 

-Je m'impose le repos, que ce soit m'allonger, m'assoir ou autre. Je renonce à mes activités, le temps d'avoir suffisamment d'énergie pour les faire.

-Je pleure. Les larmes libérant, je renonce à mon égo le temps de me soulager. Quitte à passer pour une pleureuse. 

-Je râle. Bon ça c'est parce que je suis française! Mais, en fait j'exprime à voix haute ce qui me cause du soucis, je libère mes maux par les mots. Je renonce à ne pas montrer mes émotions, je renonce au respect des conventions sociales. 

-Je m'occupe l'esprit, par la lecture, le dessin, une sortie, de la cuisine, du rangement, le travail. Je renonce à mon énergie physique, pour que mon énergie mentale puisse contenir à nouveau la douleur. 

-Enfin, j'engage un fort dialogue intérieur. Je me convainc, que la souffrance fait parti de la vie. J'accepte de la voir en face. Je la regarde vraiment. J'en délimite les contours. Je la qualifie. Je la décris. Je la quantifie. Et à force, ce dialogue intérieur, me permet mentalement de retrouver suffisamment d'énergie pour canaliser cette douleur qui me paralyse. Je renonce à évacuer la souffrance et la douleur de ma vie.   




Les jours où je suis exténuée? 



-Dès que je le peux, je me repose. Je renonce à ma vie sociale, à mes loisirs, à avoir une maison propre, juste parce que de toute façon, je ne peux pas réaliser toutes ses tâches. 

-Parfois la fatigue est aussi cognitive. Dans ces cas, je n'arrive pas à réaliser les activités qui me font du bien. Malheureusement souvent l'endormissement ne vient pas, non plus, car la fatigue cognitive augmente invariablement mon état de stress. Je renonce à mon épanouissement personnel, en me vautrant dans un fauteuil, un canapé, soit pour ne rien faire et comme disais Devos "ne rien faire, c'est déjà faire quelque chose"; soit pour m'avilir devant une émission TV sans intérêt particulier. 

-Parfois, la fatigue est surtout émotionnelle. J'en ait juste raz le bol. Dans ces cas, parler, écrire ou juste prendre le temps d'une introspection m'aident. Le mieux étant et reste le partage avec des proches. Passer du temps de qualité, avec ceux que j'aime, pour recharger mes batterie émotionnelle.  

-Si cela est possible, je pose une journée de télétravail supplémentaire et je réorganise ma journée de travail. Je renonce à mon image professionnelle, pour aménager au mieux mon poste de travail à mon besoin de ralentissement, de repos, de faiblesse cognitive, de fragilité émotionnelle ou autre. 

-Je prend assez rapidement rendez vous avec mon médecin traitant. D'expérience, je sais que si la situation dure, le niveau d'asthénie sera tel, que je devrai limiter mes actions au strict minimum: me lever, me laver, manger, et surtout être présente pour mes proches, pour le minimum de temps partagé de qualité nécessaire au bien-être de toute la maisonnée. 

-Je pose une journée de congé. Juste pour éviter un arrêt travail d'un ou deux jours, lorsque simplement trois journées de vrai repos sur un week-end un peu prolongé, totalement improvisé, peut me permettre d'accéder à un niveau d'énergie suffisant pour travailler. 

-J'annule toutes les tâches secondaires. Et elles sont nombreuses ces tâches secondaires: vie sociale, vie familiale, vie culturelle, vie de femme, pour n'en citer que quelques unes.

-Je réduis ma charge mentale. Je renonce à être une fée du logis, une femme fatale, une employée modèle, une super maman, une amie solide, une fille prévenante, une bru serviable.... bref à être une superwoman!



Les jours où, j'en parle.



 

-J'ai pris l'habitude de répondre le plus librement possible, lorsque quelqu'un voit que je fais une grimace, ou que je suis très cernée, et me demande comment je vais? La réponse automatique "ça va", je l'utilise encore, bien-sûr. Mais lorsqu'il s'agit de collègues, ou de proches, si j'ai vraiment mal, si je suis vraiment fatiguée, alors je complèterai cette formule laconique par ce qui préoccupe mon esprit à l'instant. 

-Le matin en arrivant au bureau, je préviens lorsque j'ai très mal, ou si j'ai pris des antidouleurs, car cela oblige mes collègues à développer quelques trésors de patience ce jour là. En faisant attention, mes collègues sont bien placés pour avoir une chronicité de mes poussées inflammatoires. 

-Lorsque j'étais face à des enfants ou des adolescents, certains codes de la communication non violente faisait parti de mes gestes professionnels. Ils sont extrêmement utiles les jours où, j'essaie de faire attention d'exprimer mon mal-être, en conservant ce qui m'appartient et en ne projetant aucune agressivité sur mon interlocuteur. 

-J'exprime ouvertement ce que je ressens, mon état de douleur et de fatigue, à mon entourage proche. Là où c'est compliqué, c'est que je ne veux pas faire peser sur mes amours, ce pour quoi de toute façon ils n'ont aucune responsabilité, ni ne peuvent faire grand chose. Mais en revanche, j'ai besoin, qu'ils comprennent où j'en suis ce jour là, pour adapter l'aide qu'ils vont me fournir dans la journée.  

-Je demande de l'aide, que ce soit pour réaliser une tâche absolument nécessaire à la vie d'une maison, pour disposer d'une bonne âme qui m'écoute, pour faire preuve de patience et ralentir le rythme. 





Très clairement, avoir une maladie chronique, m'a obligé à revoir ma notion d'intimité; car les jours sans, je renonce à faire peser sur mon entourage, ce que la fatalité a déposé si gentiment sur mon chemin de vie.  Mais les jours où, m'ont aussi appris à trouver des ressorts et trésors que j'ignorai jusqu'alors. 

Rhumatisants célèbres.

Tout le monde peut être touché par un rhumatisme. 1,3 milliards de terriens en souffre. Certains sont mêmes très célèbres. Mais il est vrai, qu'aucun rhumatisant ne vie exactement la même chose qu'un autre rhumatisant. 


Trois artistes français, pour lesquels la polyarthrite rhumatoïde a marqué l'œuvre. La souffrance endurée comme nouveau rapport au monde et un regard neuf sur l'émotion. Ils n'ont pas pu bénéficié des avancées médicales, et ont une vie personnelle marquée par la recherche de palliatifs. 

Dufy



Renoir




Piaf



Les rhumatismes n'ont pas de frontières, certains sont plus rares que d'autres, la sclérodermie. (Environ 10000 patients en France)

P Klee




 Des icônes américaines actuelles, qui commencent à en parler. Pour que l'invisible devienne visible

Pop anglo-saxon

Dan Reynold- Imagine dragon
Megan Park, actrice




Kim Kardashian, influenceuse


Beaucoup d'artistes vivent difficilement avec un lupus et toutes ses comorbidités. Plus de femmes que d'hommes, plus de chanteurs et musiciens que de peintres, acteurs, écrivains, danseurs. 

lupus








Séléna Gomez


                                                                      Lady Gaga







Trick Daddy. 



Un sportif, anglais, qui fait fi de ses douleurs, dûes à son rhumatisme psoriasique, toujours sur le green. 

Phil Mickelson



Un sportif qui s'engage dans la reconnaissance de la spondylarthrite ankylosante. Et son combat ne passe pas inaperçu.  

Boscher





L'engagement pour faire connaître les maladies, le quotidien des malades, et s'engager pour améliorer la vie des patients, n'est pas nouveaux. 

Lucille Ball

Actrice devenue avocate. 

Dc Christiaan Barnard

Chirurgien, qui a poursuivi son enseignement. 



Dorothy Hodgkin

Prix nobel




Toutefois quelques absents parmi les cinq grandes familles de rhumatismes inflammatoires chroniques, mais ce sont aussi les moins fréquents dans la population générale:

-la polyarthrite rhizomélique (moins de 3 millions de français, à peine plus que la population de Paris intramuros)

-le syndrome de Gougerot-Sjögren (environ 6000 patients en France)




Stress

Il existe une forte connexion entre le mauvais stress et l'évolution d'une maladie chronique.


De nombreuses études montrent que le stress, est tout autant utile que destructeur.

Article: Stress utile, stress destructeur? 


Nous pouvons tous être soumis à un stress chronique, notre corps nous le manifeste, mais nous ignorons ces signes pourtant, car ils semblent si anodins.

Nous devrions pourtant être davantage sensibilisés aux conséquences d'un stress chronique, au fait qu'au final cet état d'urgence aura des conséquences graves sur notre santé. 



Dans le cadre d'une maladie chronique, le stress peut en être l'un des déclencheurs, ou un accélérateur. Je ne m'étalerai pas sur mes bagages d'enfance et d'adolescence. En revanche, je peux facilement croire que le stress chronique vécu, durant cette période, jamais exprimé à haute voix à l'époque, résultat d'une éducation où les sentiments et émotions étaient tuent, elle même le fruit d'une société qui avait un regard assez méprisant sur la santé mentale, la maladie psychique ou le mal être en général; a eu comme conséquence, de déclencher une dérégulation immunitaire. C'est bien mon système immunitaire qui s'est déréglé, à force de taire, de ne pas voir ce stress quotidien destructeur. Etre en mode survie a son utilité, mais vivre en permanence en mode de survie, de stress intense, de crainte et de peur pour sa vie, car c'est ce que se dit le cerveau à ce moment là, que cela soit justifié ou non, surtout chez un cerveau encore en construction, au moment où les connexions entre synapses s'établissent, a des conséquences non négligeables pour la suite. L'important, n'est pas la véracité du stress, ni son utilité, mais que ce stress se vie aussi physiquement. A force, peu à peu, ma physiologie s'est déséquilibrée. C'est mon point le plus faible aujourd'hui. Aussi forte ai-je pu paraître à l'époque, autant mon organisme en paye le prix aujourd'hui. Les rhumatismes inflammatoires chroniques sont l'un des marqueurs d'un dysfonctionnement du système immunitaire. Je ne dit pas que si l'on m'avait fait parler à l'époque, si les adultes m'entourant avaient cherché à soulager, ou à réduire le stress environnemental que je subissais, je n'aurai pas déclencher de maladie auto immune à l'âge adulte. Mais mon histoire médicale m'oblige à réévaluer ma vision de l'éducation et de l'enfance. Les maladies chroniques, redéfinissent bien l'ensemble des domaines de notre vie. 


Bien sûr que nous connaissons tous quelques enfants, qui s'écoutent trop, qui se plaignent, qui pleurnichent. Et si comme moi, vous êtes occidental des années 80, alors vous avez sûrement entendu quelques phrases du genre "oh, arrête de pleurer!", "ça va aller, ce n'est pas un mal de ventre qui va t'empêcher de faire....", "c'est bon, y a pas mort d'homme!", "c'est un caprice!"...  Mais, si on se positionne un peu différemment, l'on se rend compte que toutes ces bonnes intentions, ces bonnes paroles sont une forme de violence ordinaire. Toutes ont un seul but, taire la douleur, ne pas la voir, la mettre sous le paillasson. Ne pas faire trop de bruit. Reflet de notre incapacité, en tant qu'adulte de gérer ce qui est difficile à supporter. Peut-être que si nous savions qu'en empêchant l'expression douloureuse, même si cela nous fatigue d'avance, nous permettons à cet enfant/ cet adolescent en mal-être, de diminuer son stress, nous améliorerions la santé de tous. Aussi épuisant cela puisse être. Il est préférable, si l'on s'en sent capable, de l'écouter une minute se plaindre, afin d'identifier réellement s'il y a un problème médical, de laisser l'émotion négative passée. d'être à ses côtés, à ce moment. C'est ainsi qu'on lui apprend peu à peu à devenir un adulte en capacité d'identifier les situations de stress et à terme d'être en meilleure santé (ou à minima en meilleure capacité de se soigner).



Car malheureusement, il y a un effet plus pervers encore avec les réactions immunitaires provoquées par un stress chronique. Une fois déclenchée, rarement le stress, dans ce cadre n'a l'effet positif qu'il peut avoir en situation d'urgence. Au contraire, le moindre petit stress, ajoute des hormones, et redéclenche le système lymphatique, que les traitements de fond tentent de réduire. Difficile de vivre sans stress? Même seule, isolée, sur une île déserte, mon corps continuera à stresser et à produire des hormones de stress. Lorsque l'on sait que le cortisol est l'hormone du stress, qui nous permet de nous lever le matin, impossible de vivre sans stress. Alors comment faire, quand on a déjà un système lymphatique déréglé? Revisiter, sa manière d'envisager le stress? S'isoler souvent, pour ne pas être contaminée par le stress des autres? Se dépenser pour décharger son stress? Avoir des réactions incontrôlées, juste pour se décharger? Au contraire, se mettre à l'écart des autres, pour se centrer uniquement sur son stress interne? 

En réalité, le stress du quotidien, n'est pas si simple que cela à gérer. Et il aura de toute manière des effets sur l'état général de santé, car justement le dérèglement lymphatique empêche de le gérer correctement. J'y vois une forme d'équilibre à trouver, et j'en retourne à ma métaphore entre malade chronique et équilibriste toujours sur le fil. 


Peut-être aussi que notre société n'a pas assez conscience, que si nous ne sommes pas bruyant lorsque ça ne va pas, notre corps, lui trouvera le moyen d'exprimer ce mal-être, ce stress et les dégâts sont bien plus lourds de conséquence, qu'un simple pleur ou cris instantané pour décharger une situation de stress intense. 


Mes petits trucs pour tenir le coup.

 Vivre avec un rhumatisme inflammatoire chronique, c'est aussi apprendre à se réinventer, afin de ne pas sombrer. 


Alors j'ai des petits trucs et quelques astuces. Comme autant de petites béquilles qui m'aident à franchir les jours, les semaines, les mois et les années. 



  • Ecrire
Cela peut sembler bête, mais c'est terriblement efficace comme procédé. 
Que je décide un jour de publier ou non ce blog, ne change pas le fait que grâce à lui j'écris. Le fait de devoir organiser mes phrases, mes paragraphes, penser à des intitulés d'articles et m'apercevoir, que pendant 2 heures d'affilés j'ai écrit; me fait un bien fou. L'écriture comme exutoire. L'écriture comme objet de catharsis. L'écriture comme possibilité de se relire, de suivre à nouveau mon propre cheminement intellectuel. 


  •  Activités plaisir
J'aime lire, j'aime dessiner, j'aime le scrapbooking, j'aime me plonger dans un disney avec un paquet de pop corn, j'aime les documentaires, j'aime chanter. Pour d'autres, ce sera la couture, le tricot, le jardinage, la cuisine, la pâtisserie, l'appel téléphonique à un proche,...

Toutes ses activités sont toutes faisables, même les jours où vraiment je ne vais pas bien. Toutes s'exécutent depuis la maison, et nécessitent juste de se dire, que j'ai besoin de faire quelque chose qui me fasse du bien. Alors, c'est plus facile, lorsque l'on se connait bien. Mais nous avons tous au moins une activité, relativement peu énergivore, ou pas trop douloureuse qui nous permette d'améliorer la journée. 


  • Déplacements de loisirs.

J'ai aussi une seconde catégorie d'activités plaisir: concert, cinéma, théâtre, musée, restaurant, balade, parc d'attraction, voyage, sortie chez des amis, inviter des amis, accompagner mes proches dans les grands événements de leur vie,.... Mais toutes, nécessitent un minimum d'énergie, et accepter un peu de douleur (ou alors de se doper au préalable). Et cette seconde catégorie est potentiellement annulable à la dernière minute. Mais c'est une catégorie, qui rebooste énormément.   


  • Un suivi en santé mentale. 

Au quotidien, les difficultés, la charge mentale, la charge émotionnelle pèse. Elle est parfois tellement lourde, qu'une seule envie nous prend, nous effondrer, laisser courir le monde, sans nous de préférence. La douleur au quotidien, c'est avoir au quotidien un message nerveux négatif et douloureux. C'est vivre en permanence avec un élément négatif. On ne va jamais pleinement bien, je ne sais plus d'ailleurs ce que c'est que d'être bien. Il m'arrive de me demander parfois, si cela arrivait un jour, si je pouvais ne pas avoir un seul message douloureux, aucune souffrance physique, morale ou psychique un jour, saurai-je reconnaitre cet état? Avoir un suivi psychologique, c'est reconstruire son discours intérieur. C'est redéfinir, ce qu'est la douleur. C'est se redéfinir et finalement, même si il y a souvent des bas, il y a aussi une nouvelle saveur des hauts. De plus, pouvoir discuter de soi pendant une heure, sans interruption, sans être jugée, une fois par mois, par quinzaine, par semaine, tout dépend du niveau d'aide dont nous avons besoin; c'est assez rare pour s'emparer totalement de cette possibilité. Le psychologue, n'intervient pas pour nous bousculer, il nous assiste. Il permet de poser les mots sur nos maux, à notre rythme. De démêler les nœuds émotionnels, tellement inévitables avec le quotidien de paradoxes qu'est le notre. Il aide à mieux comprendre ce qu'il nous arrive et pourquoi l'on pense ainsi. Finalement, le psychologue n'enlèvera jamais ni nos douleurs, ni notre fatigue, ni nos désespoirs, mais il sera présent. C'est assez précieux, de constater que l'on n'est pas seul. J'ai donc pleinement et entièrement décidé de voir une psychologue tous les mois. C'est un moyen, efficace, pour décharger mes émotions négatives, les exprimer et reconstruire mon identité au delà de ma mauvaise santé. Cela aide à se construire une identité, certes blessée, certes marquée par la vie, mais qui au final peut vivre avec. C'est un conseil qui est donné à tous les malades, mais ils sont encore nombreux à refuser ce soutien. Pourtant nous en avons besoin, justement car nous sommes plus que les autres émotionnellement fragile. La dépression est la première comorbidité des maladies chroniques. Et ce n'est point preuve de faiblesse de l'admettre.


  • Oser parler à son entourage.
J'ai un regard tellement expressif, que même si je ne parle pas, mon corps le fait à ma place. Aussi, lorsque l'on me demande "si, ça va", je dit l'élément qui explique ce que perçois l'autre, sans forcément savoir le déterminer. Dire, "je suis un peu fatiguée aujourd'hui, mais ça va, je vais faire plus de pause", est tellement plus efficace, qu'un "oui, oui", alors que tout le reste du corps exprime et hurle un non. Mes collègues, savent quand ma journée est un peu plus difficile que les autres, et j'ose leur dire, car tout ce dont j'ai besoin, c'est qu'on ne me demande pas de faire une tâche urgente, si je viens de prendre un antidouleur, qu'on n'attende pas de moi que je m'exprime à la réunion de 15h, si j'en suis à ma troisième journée/nuitée de crise inflammatoire. Bien sûr, tout le monde n'écoutera pas, mais très largement, toutes les personnes que j'ai rencontrées, dans le cadre professionnel, qui m'ont demandé avec inquiétude "si j'allais bien", et à qui je répondais simplement, qu'aujourd'hui j'avais un peu plus mal que d'habitude, deviennent tous des alliés. Je ne dirai malheureusement pas la même chose, pour mon ancien poste. Être l'unique adulte référent d'une pièce, avec 25 à 40 enfants/adolescents, fait que vous ne pouvez pas vous permettre d'aller moins bien, même un seul instant, car c'est vous qui assurez la sécurité du groupe. Et c'est pourquoi, je ne suis plus certaine qu'un rhumatisant puisse à l'heure actuelle, avec les conditions non aménagées de certains postes, réellement exercer toutes les professions. 

La difficulté, est je pense, d'oser en parler, mais avec mesure. Les autres n'ont pas à supporter tous nos maux. Choisir d'exprimer ce qui ne va pas, et ce dont on a besoin est largement suffisant. Pour notre famille, pour les personnes avec lesquelles nous vivons au quotidien. J'ajouterai que comme la maladie est présente tout le temps, ne prend ni congé, ni WE, ni soirée, c'est encore plus important d'exprimer ses limites, ses difficultés, mais avec parcimonie, au risque de les épuiser eux, nos aidants. Il est très difficile de vivre au quotidien, avec quelqu'un qui passe sa journée à râler, souffler, geindre, se plaindre. C'est aussi une des difficultés qui arrive avec la dépendance. Lorsque l'on n'est plus vraiment maître de son corps, pour extérioriser on râle, on souffle. Parfois on est même en colère contre tout le monde, contre ceux qui peuvent, ceux qui font, ceux qui ne nous laissent pas faire, ceux qui ne sont pas patients, et surtout contre soi-même, contre ce corps qui ne peut plus, contre cet esprit qui ne suit plus, contre ces autres qui continuent sans nous. Vivre avec un rhumatisme qui nous impose des limites, c'est aussi, cela, comprendre ce que signifie vieillir bien avant l'heure. Mais c'est avoir la chance de changer notre façon d'être face aux autres, car on n'a pas envie d'être Tatie Danielle à 30 ans! 

 

  • Les interactions sociales. 
Comme je suis seule avec mes douleurs et ma fatigue, comme le parcours de santé a tendance à m'isoler, j'ai besoin d'interactions sociales. Voir d'autres personnes, discuter avec elles, m'autoriser à me décentrer de mon mal être, pour me centrer sur l'instant présent à vivre avec l'autre. Là c'est un sacré booster naturel. 

Evidement le travail est le premier moyen de maintenir les interactions sociales en dehors de la cellule familiale nucléaire et de son parcours de soin. Vient ensuite le cercle amical. Autant je suis reconnaissante de la famille que j'ai. Autant le fait d'annuler à la dernière minute, de ne pas être toujours disponible, même pour un appel (lorsque je tombe littéralement de sommeil en plein après midi!), a fait le tri parmi mes relations sociales. Alors je me dis, aussi peu nombreux peuvent-ils être, ceux qui sont là, à l'instant présent, ceux qui acceptent que je sois boiteuse, ralentie, ne me reprochent pas ma fatigue, ni que j'exprime ma douleur. Tout simplement ceux qui acceptent que j'ai changée, et que je changerai encore, sont la crème de la crème. Les relations à mon entourage sont vrais et sincères. Je n'attend pas non plus de réciprocités, ou d'intemporalité dans les relations amicales. Je sais bien que la vie a ses propres affres, et que l'on ne peut être présents pour les autres à 100% tout le temps. J'ai aussi appris que ce qui compte, c'est bien le partage sur l'instant donné, le temps que dure la relation. Et que c'est cet élément précis, qui est un euphorisant naturel, bien utile lorsque l'on vie au quotidien avec un mal intérieur profond.


  • Une activité physique régulière. 
Il a été prouvé que la santé globale s'améliore avec une activité physique régulière. Que le mouvement est essentiel pour réduire et ralentir les dégâts provoqués par le rhumatisme. Je ne peux que confirmer cet état de fait. Bien sûr que je fatigue très vite. Bien sûr, si je vais nager une demi heure, même sans forcer, je serai épuisée, j'aurai sûrement mal dès les premières brassées. Mais sur mon état de santé hebdomadaire, j'irai mieux. Je suis bien davantage fatiguée, lorsque je ne m'active pas. Je suis moins mobile, j'ai davantage mal, lorsque pendant une semaine, je n'ai pas fait assez de mouvements. Ce n'est pas seulement un mal pour un bien, ni une douleur à la place d'une autre, une fatigue physique à la place d'une fatigue émotionnelle. C'est aussi, une routine, un libérateur d'endorphine, une mobilité fonctionnelle maintenue. C'est surtout, le premier moyen de diminuer l'usage d'anti-douleurs, et d'anti-inflammatoires. L'inflammation est présente, la douleur est présente, mais l'activité physique, de part son action sur la chimie du cerveau, permet de réduire le besoin de recourir à des substituts chimiques.  

En revanche, il s'agit d'une activité physique adaptée. L'adaptatrice, celle qui tourne le bouton de l'intensité de l'activité, c'est moi; et personne d'autre. C'est assez difficile à expliquer, à des non soignants. Notre société et ses injonctions à la jeunesse éternelle! Notre société qui affiche une image stéréotypée de la bonne santé, de l'activité sportive, du corps sculpté, a beaucoup de mal, avec le fait qu'une personne en difficulté puisse être capable d'un exploit sportif un mois, complètement HS le mois suivant, voir dans l'incapacité de se mouvoir le mois d'après. Mon activité physique n'est absolument pas linéaire. Et j'ose le dire, mais j'ai beaucoup de mal à accepter les pseudo-coach sportif et leurs discours sur le lien entre volonté et pouvoir. Non, je ne pense pas qu'une personne obèse manque de volonté, ni que le simple fait qu'elle fasse de l'activité physique, aussi intense soit elle, lui permette d'atteindre un poids santé. Tout simplement, car bien que mes indicateurs santé s'aggravent tous si je ne bouge pas- je sais aussi que bien que je meuve, ce n'est pas pour autant que tout va pour le mieux, que mon état global ne s'améliorera pas pour autant. Il y a bien d'autres causes que la simple volonté individuelle. Ce n'est pas ma volonté seule, qui me permet de maintenir une activité physique. C'est la conviction personnelle, intime, corporelle, que ma santé se dégrade moins vite lorsque je bouge; qui est à l'origine de ma motivation à poursuivre. 

Même si j'en ai absolument conscience, même si je suis sûre de ce que je fais, j'avoue que cela me fatigue d'entendre les injonctions sociétales autour du sport. Que ce soit d'entendre des patients, ne pas accepter que si le monde médical nous dit de bouger, c'est qu'il y a réellement un effet bénéfique au mouvement. ou que ce soit d'entendre des soignants méprisants envers des patients qui ne savent pas comment bouger, lorsque le monde du sport ne leur propose que des activités inadaptés à leur difficulté. Un autre regard sur l'activité physique, la santé, le bien-être en globalité, nous aiderai tellement à accepter qu'il n'y a pas de règles à suivre, que rien n'est linéaire dans ce domaine et que l'important c'est de faire de son mieux.   



  • Un bujo (bullet journal), que je rempli au quotidien. 

    Trois pages me sont vraiment utiles. 

La page du traceur de mes deux principales compagnes de vie. Le graphique, donne une vision assez claire de l'évolution de la maladie. En fait il permet d'objectiver à minima ce qui m'embête le plus au quotidien. Ainsi, même si on ne peut pas parler de réel graphique objectif, je peux suivre globalement comment "Fatigue" et "Douleur" me pèsent au quotidien. C'est comme si compléter tous les soirs, ce petit graphique me permettait de déposer sur papier ce que je ressens, et que cela me pèse moins. D'ailleurs, je m'en sert pour préparer mes rendez vous avec mon médecin traitant. 

 


Le traceur d'activités physique. Ce ne sera jamais un traceur d'objectifs, de sport intense. Juste un moyen, en un coup d'œil de voir si j'ai continué à bouger durant le mois. Pour moi, c'est efficace, car cela me motive. Faire une petite croix en face d'une activité physique, c'est le moyen de dire à mon corps, que j'en reste quand même un peu maître. Et la séance de kinésithérapie est bien une séance d'activité physique, dans le sens de mise en mouvement. D'ailleurs le but de mon kiné, c'est d'abord de maintenir ma capacité locomotrice. Pendant des années, le discours médical insistait sur le repos. Tout simplement, car le monde médical n'avait pas encore prouvé ce que Montaigne savait déjà "Notre vie, n'est que mouvement." Il a fallu quelques années pour se rendre compte, que c'est en maintenant le mouvement -et l'on parle bien de mouvement, pas de sport extrême, pas d'intensité cardiaque ou d'efforts démesurés, mais d'une vie où l'on bouge- que les rhumatisants vont mieux. Alors même si ma séance de vélo d'appartement n'a pas été au delà de 10 minutes, même si je n'ai pas réussi à faire 400 mètres de brasse (quand on sait qu'à une période de ma vie je ne sortais pas de l'eau sans avoir au minimum nager 2000 mètres), même si j'ai mis 30 minutes pour marcher sur 500 mètres- je me suis bougé. Bien sûr que c'est douloureux. Mais ce qui est plus bizarre à expliquer, c'est que ça huile mieux. J'ai mal, voir très mal, mais je bouge mieux, je récupère en mobilité. Et puis il y a aussi toutes ces petites victoires du quotidien. Toutes les fois, où j'ai fait 30 minutes de vélo, ou j'ai marché pendant 3h d'affilé, ou j'ai nagé mon kilomètre avant de faire une pause. Lorsque je dessine ma petite étoile, c'est vraiment une étoile. Je suis fière de ce que j'ai accompli, j'ai confiance en mes capacités. On peut toujours faire, même si cela demande des aménagements, du temps, de la patience. On peut toujours faire, on peut toujours agir. Un autre effet notable de l'activité physique, c'est la libération d'endorphine. Et ça c'est un dopant naturel, assez efficace. Lorsque j'arrive à toucher mes limites, que je suis fatiguée parce que mes articulations ont tout données, alors je m'endors mieux. Et au moins, pour une fois, lorsque je dors, je dors au point de récupérer, jusqu'au réveil douloureux de 3h du mat!  




Alors, il est vrai que j'aime un peu le dessin. Mais en fait, avoir une page par mois, pour répertorier mon humeur, est un super outil de suivi de santé mentale. Cela peut m'indiquer, que je suis peut être un peu trop en colère en ce moment, et qu'il faut que je libère cette émotion, avant qu'elle ne me bloque. Au quotidien, vivre avec un rhumatisme inflammatoire chronique c'est enchainer les frustrations, les déceptions. Les émotions négatives s'accumulent parfois vraiment beaucoup. Pouvoir en faire le suivi est finalement déjà un moyen de les exprimer, et surtout de pouvoir identifier rapidement les moments où il est nécessaire de demander de l'aide. 



  • Un carnet de suivi rhumatismal.
Dans la même logique, que de pouvoir identifier les moments où j'ai besoin d'aide, je prépare mes rendez-vous médicaux. J'ai un petit carnet, dans lequel je note l'évolution de mes  symptômes, mes ressentis, ou tout autre élément en lien avec ma santé. Ainsi, lorsque je vais chez mon médecin, je peux résumer rapidement ce qu'il s'est passé ces derniers temps, sans oublier d'informations essentielles. De même, je peux constater aussi l'évolution de la maladie. Et constater sur un temps plus long que le simple rendez vous médical, comment ma maladie évolue. La courbe sera de toute façon toujours en dent de scie, mais au moins, la grande tendance est facile à dégager, les nouveaux symptômes visibles, et ceux qui s'améliorent aussi. 


  • Des projets, des projets, des projets et encore des projets.
 Ce n'est pas parce que je dois tout adapter, que je ne peux pas poursuivre mes projets. Bien sûr, si je dois voyager, je dois aussi prévoir tout ce qui est autour. Je prépare par exemple, trois niveaux de choses à visiter; que je vais adapter à mon état de fatigue le moment venu. Je prévois une journée supplémentaire, rien que pour me remettre d'un trajet. Je prévois une sieste les jours de réveillons, sinon je ne profiterai pas de la soirée. Mais tous ses aménagements, ne doivent pas m'empêcher de tout de même faire des projets. Peut-être que je ne suis pas capable de surfer, de kite-surfer, mais cela ne m'empêchera pas d'aller à la mer.  


  • Des défis. 
Pour tenir le coup, je me lance des défis. Il s'agit de défis, m'obligeant à regarder plus loin que mon état dégradé. Des défis qui m'obligent à l'introspection, en me questionnant vraiment sur ce qui m'anime, ce qui me motive, ce qui fait sens pour moi. 

Le dernier défi en date, a été d'entamer le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Il faut une préparation du tonnerre. Notamment, avec tous les dopants à transporter pour tout de même tenir. Alors il faut accepter, être incapable de réaliser ce parcours en une fois. Accepter l'idée qu'il me faudra un bon nombre de segments de 7 jours parsemés tout au long des années, pour réaliser entièrement au moins l'un des camino. Il a aussi fallu accepter la possibilité de tout de même renoncer, en cas de trop grandes difficultés. Outre l'effet bénéfique de la marche sur les articulations, sur la respiration et autres indicateurs médicaux, l'activation d'endorphines qui facilitent une meilleure perception de la vie, c'est surtout un bon moyen de tester que l'on est toujours capable de réaliser. Malgré toutes les adaptations nécessaires, malgré la douleur, malgré la fatigue, malgré le fait d'accepter l'idée que peut-être il faudra s'arrêter. Et bien, malgré tout cela, chaque jour marché, est un jour de plus où mon corps a accepté de fonctionner, avec dysfonctionnement, mais il avance toujours!





Je ne vais pas mentir, bien sur qu'il y a des jours, où ce n'est pas la grande forme, d'autres où j'ai envie de me terrer au fond de mes abîmes, des jours où ma noirceur est profonde et m'emporte avec elle. C'est pourquoi, sur le long terme, j'ai mis en place toutes ses petites habitudes, ces petits rituels. Je pense que les rituels, sont l'un des moyens inventé par l'humanité pour passer les caps, franchir, surmonter les blessures mises sur notre route. Peut-être que les miens peuvent donner quelques idées à d'autres!



Une vie sur un fil: entre paradoxes et équilibre.

 Vivre avec un rhumatisme inflammatoire chronique, c'est en permanence jouer au funambule. 

Chaque choix étant énergivore, chaque choix étant un combat intérieur, entre ce que l'on veut, ce que l'on peut, et ce que l'on abandonne. 




Et parfois, la barre d'équilibre n'est même pas présente. 
Liste non exhaustive, de mon instabilité de chaque instant:



  • SOIN                                                                                                                 BIEN ÊTRE


  • TRAVAIL                                                                                                        SOIN


  • SOIN                                                                                                        VIE SOCIALE


  • SOIN                                                                                                      VIE AFFECTIVE


  • ACTIVITE PHYSIQUE                                                                            BIEN ÊTRE


  • ACTIVITE SOCIALE                                                                                BIEN ÊTRE


  • VIE DE FAMILLE                                                                                      BIEN ÊTRE


  • QUOTIDIEN                                                                                                          SANTE

  • MEDICAMENTS AVANT L'ACTION                  VIVRE PLEINEMENT SON ACTIVITE

  • VIVRE EN PLEINE CONSCIENCE                                                   SOUFFRIR 

  • INTIMITE                                                                                             FRUSTRATION

  • SORTIR                                                                                                   RECUPERER

  • PROFITER DE SES PROCHES                                       LIMITER SA PRESENCE

  • EXPLIQUER/ PARLER                                                               PRENDRE SUR SOI

  • SE PLAINDRE                                                                     APPRECIER LE MEILLEUR


        Et vous, que mettez vous sur votre tandem? 





        L'ensemble donne une vie de paradoxe, car loin de s'opposer, l'ensemble est nécessaire à notre bien vivre avec notre maladie.


        C'est très important à mon équilibre de vivre pleinement, d'être pleinement présente pour mes proches. Cela m'aide à voir plus loin que la maladie. mais souvent, trop souvent, cela me demande énormément. Je dois prendre sur moi, car je fatigue. Je dois prendre sur moi, car j'ai mal, et en même temps j'ai terriblement envie de monter ce petit spectacle de noël avec les enfants, ou de faire une promenade et discuter avec mes proches. Mais marcher, va me demander un effort physique, parfois je suis essoufflée immédiatement. Je dois aussi parfois prendre sur moi, car je suis en pleines crise inflammatoire et incapable de rester debout si longtemps.  






        Désagréments et petits soucis.

        Vivre au quotidien avec un rhumatisme inflammatoire chronique, c'est parfois avoir la surprise de découvrir encore de nouveaux désagréments au petit matin. 


        Il existe tous ceux auxquels l'on s'attend au moment du diagnostique, en se renseignant un peu sur le fonctionnement de sa maladie. Les limites physiques, ne pas pouvoir par exemple se déplacer comme avant, tout simplement parce que le mouvement est altéré. Puis il y a toutes les autres limites, que l'on franchies de plus en plus souvent.  



        Dès le début, l'on comprend, que l'on est souvent réveillé par des douleurs nocturnes. Je ne m'y suis pas encore tout à fait habituée. C'est un peu particulier, lorsque tout d'un coup, une douleur intense vous prend une articulation, et que vous êtes réveillée parce que ça chauffe, ça gonfle, et sans jeu de mots, ça gonfle d'autant plus, qu'en général à 3h du matin, tout est rouillé, et toute la maisonnée dort. Alors non seulement vous avez mal, mais en plus vous mettez ce qui vous semble une éternité, pour ne serait-ce que sortir le pied de ce drap qui vous déclenche tant de mal. Inutile de préciser, que si possible, vous éviter de hurler, ou de sangloter, alors que vous en avez vraiment envie Comme si cela ne suffisait pas, il y a aussi les insomnies. Qu'elles soient un effet secondaire des traitements, ou bien tout simplement, que ce soir là, vous avez un peu mal partout et ne trouvez aucune position vous permettant de vous détendre; il peut être très difficile de capter les grains du marchand de sable. C'est fou, d'ailleurs, il ne faut pas beaucoup d'articulations douloureuses, pour échapper à Morphée. Bon, le drap sur le pied c'est déjà pas mal, la douleur aux coudes, aux épaules, poignets ou genoux, vous oblige très vite à trouver une position originale pour dormir. C'est souvent le réveil qui en devient douloureux. Pour dormir, vous avez adopté une mauvaise posture d'attente. Mais au delà de tout, de mon expérience, lorsque ce sont les côtes, les vertèbres, les os iliaques, toutes les positions assises, semi-allongés ou allongés sont difficiles et douloureuses. L'un des premiers soucis des rhumatismes inflammatoires chroniques est donc un capital sommeil en berne. Réveils nocturnes et insomnies, résultants tous deux de l'activité de la maladie, sans même parler de problèmes de psyché, participant grandement au déficit de sommeil, qui lui même va entrainer de nombreux autres petits désagréments. Sans parler, d'un état de somnolence, d'une fatigue extrême, d'une grande fatigabilité, des sautes d'humeurs, des limites cognitives qui vont en découler. Je pourrai développer encore longtemps ce que le monde médical appelle les comorbidités, mais c'est bien de cela dont il est question avec la carence de sommeil induite par l'activité de cette maladie auto-immune. 

        Le manque de sommeil, la douleur répétée, l'inflammation chronique, va aussi provoquer un brouillard cérébral. Un dysfonctionnement cognitif, entraînant, perte de mémoire, difficultés de concentration, incapacité à prendre des décisions, une neuro-inflammation. Chaque geste, même les plus anodins, comme regarder un film peu devenir difficile. L'état mental est comparable à une personne dépressive. vous aurez beau lui dire de s'activer, cela n'aura aucun effet, car le brouillard cérébral n'est pas une question de volonté, mais bien un état psychique de fragilité forte entravant les tâches cognitives. Le cerveau est au ralenti, et ça se voit. Pour la personne qui le vie, c'est assez désagréable comme sensation. L'on a bien conscience que l'on ne tourne pas rond, ou pas aussi bien que d'habitude. L'effet secondaire de ce brouillard, c'est que l'on perd vite l'envie de faire des choses. Pas forcément au point de broyer du noir, mais en tout cas ça change notre humeur, surtout si cela dure. Un effet secondaire, entraînant un autre effet secondaire. Un joli cheminement vers finalement un état global de plus en plus dégradé.  

        Je l'ai un peu évoqué précédemment, l'un des petits soucis des rhumatisants est ce que l'on appelle le dérouillage matinal. Je m'estime assez chanceuse de ce point de vue. J'ai bien sûr quelques matinées, où le marchand de sable a laissé quelques grains dans mes articulations. Des journées où il m'a fallu deux à trois heures, pour huiler la machine. Mais la plupart du temps, mon blocage n'excède pas 15 minutes. C'est d'ailleurs l'un des signaux que je prend au sérieux. Si trois jours d'affilés, plus de 20 minutes me sont nécessaires pour lubrifier mes articulations, c'est le signe d'une poussée inflammatoire à venir. Le plus dur encore, pour moi, c'est lorsque ces grains sont coincés dans les côtes ou les vertèbres. Immédiatement, je me sens étriquée, bloquée dans mon propre corps. Et invariablement, les mouvements amples de la cage thoracique deviennent douloureux. Le pied, le genou, l'os iliaque, les cervicales, passe encore. Un peu moins pratique au petit déj, lorsque ce sont les poignets, les doigts, ou plus drôle les mâchoires. 

        Au moment du diagnostique, j'ai très vite explosé le plafond de verre de mes propres limites. Lorsque j'ai fait la plus forte poussée inflammatoire de toute ma vie. Lorsque respirer était douloureux, que je sentais chacune de mes côtes frémir, me serrer, m'étouffer, parce que le mouvement titillait la synovie; quelque soit la position adoptée. Il ne s'agissait pas simplement de la limite physique de ne pas pouvoir agir, comme lorsque l'on est anesthésié, mais surtout l'action elle même était source de souffrance. Je n'ai jamais été tabassée, au point de ne pas me relever, mais c'est ce que je ressentais à ce moment. Bien pire qu'un covid ou un bon état grippal. Inutile de dire, qu'à ce moment, précis, les médicaments ne semblaient même pas agir. C'est une douleur intense, que vous inflige votre propre corps. Une douleur qui déclenche vos larmes. C'est pourquoi ce type de rhumatisme, est classé comme maladie auto-immune. La réaction inflammatoire étant le résultat d'un déséquilibre à l'intérieur du corps, qui au lieu de protéger, détruit. Notre corps est une machinerie extraordinaire, mais quand on a une maladie auto-immune, l'on se rend bien compte que l'équilibre est fragile. L'on bascule surtout, dans le monde, où tous les jours nos limites se révèlent.  


        Depuis la mise en place de mon parcours de santé, je me suis surtout rendue compte que mon rhumatisme inflammatoire chronique m'avait offert deux nouvelles compagnes de vie. Douleur et fatigue. J'ai choisi de les appeler compagnes de vie, car elles sont mes conseillères quand à ma prise de médicaments, mon état d'urgence ou non de prendre un nouvel rendez-vous médical. Mais, elles sont bien des désagréments au quotidien. 

        J'ai mal absolument tous les jours. Parfois cela se traduit par une simple gêne dans l'une de mes articulations, parfois cela va jusqu'à me déclencher des larmes de souffrances. Toute femme qui a accouché, tout homme ayant eu des calculs, connait ce désagrément physiologique. Lorsque vos yeux pleurent d'eux même, vos poils se hérissent, lorsqu'une simple brise, déclenche un frisson désagréable de gêne, au point que la douleur tape dans le crâne. L'on pourrait écrire des livres entiers sur la douleur, d'ailleurs il s'agit d'un sujet de recherche. Mais, pour tout malade comme moi, elle n'est pas une simple échelle, un symptôme à caractériser, elle est présente absolument tout le temps. L'avantage, avec un suivi médical strict, une vie régulée, c'est que les poussées inflammatoires s'éloignent les unes des autres, et que la douleur est bien plus souvent une gêne, qu'un mal intense. L'on apprend à vivre avec, on apprend à l'utiliser comme baromètre de son mal-être. Je suis intimement convaincue que l'on peut mieux vivre avec, lorsqu'on la regarde en face, et lorsqu'on la laisse être notre conseillère. Inutile de chercher à l'écarter ou à l'exterminer. Je sais bien que débarrasser le monde de ses souffrances est un but louable et honorable, mais parfois les souffrances sont aussi absolument nécessaires. Je vous laisse imaginer le niveau nécessaire d'énergie, de charge émotionnelle, de charge mentale qu'occupe cette voisine, qui sait se faire discrète, grâce aux traitements. Avec laquelle le dialogue est possible, afin de la laisser s'exprimer suffisamment, pour que notre cerveau puisse la contenir, la contourner, la prendre en compte sans qu'elle nous submerge. Avoir mal, tous les jours, c'est aussi, avoir conscience que la vie, la santé, le fonctionnement d'un organisme est fragile et qu'un grain de sable peut vite enrayer la machinerie humaine de génie que l'espèce humaine est. 

        Ma seconde compagne, est d'apparence plus cool, plus tranquille, moins envahissante ou invasive. Mais fatigue, cache bien son jeu. Laisser moi vous l'a présenter. Vous vous levez le matin, un peu rouillé, mais concrètement ça va. Vous avez une énergie au top, vous vous activez, mais subitement, vous avez besoin de vous pauser. Enfin de vous pauser, vous ressentez le besoin de vous allonger. Parfois de fermer les yeux. Et en fait vous vous réveiller, hagarde, désorientée. Fatigue, est un peu plus sournoise que douleur. Vous pouvez avoir prévu une sortie l'après-midi, pas grand chose, peut-être un tour du parc, mais au moment de partir, elle sera bien présente, bien envahissante. Que faire, annuler la sortie prévue, décliner l'offre de dîner chez des amis, ne pas aller à un événement familial car c'est trop, ne pas aller faire vos courses car vous ne pourrez pas les ramener, poser un arrêt maladie pour asthénie? Alors oui, fatigue est moins impressionnante, moins visible aux autres, mais elle est bien plus coquine. Tout le monde peut comprendre, que vous ne dansiez pas un twist, quand on vous voit boiter, grimacer à chaque mouvement de genou. On vous proposera même une chaise, voir une crème antidouleur; une remède de grand-mère pour la grand-mère que vous paraissez être. En revanche, il sera beaucoup plus difficile d'accepter que vous annuliez à la dernière minute toutes les propositions, parce que vous êtes fatiguée. Peut-on en vouloir à la société de ne pas être patient avec les patients? La fatigue est l'un des symptômes les plus communs d'un problème mineur, ou majeur de santé. La fatigue est aussi un discriminant générationnel. Les personnes très âgées, les membres les plus proches de mon entourage, me comprennent à cette lueur particulière qu'ils lisent dans mon regard. Ils y voient la place que prend cette coquine de fatigue. Les moins âgés, les moins marqués par les épreuves de la vie, ceux qui regardent sans observer votre cœur, eux, ne voit qu'une quadra qui ne se bouge pas beaucoup, et parle peu.  Peut-on en vouloir, aux autres de ne pas accepter que chaque humain a sa mélodie personnelle à jouer. Chaque tempo ne pouvant forcément se calquer sur la course effrénée que nous nous imposons en tant que société développée outrageusement concurrentielle.

        Mes deux compagnes sont intimement liées. Si fatigue prend beaucoup de place, alors j'ai moins d'énergie pour parler et accompagner douleur. Si douleur s'active, alors je sais que quelques jours plus tard, fatigue occupera tout l'espace. 



        Ensuite, il y a les désagréments que l'on découvre au fur et à mesure de la lecture des notices des différents traitements testés, à tester et autres. 




        Mon traitement de fond par exemple, à comme conséquence d'appuyer sur le levier de l'une de mes compagnes. Sur la notice, il est clairement indiqué, qu'après la prise de ce médicament, je subirai une fatigue intense de 24 à 72 heures. Sur la boite, la signalétique effets sur la conduite et interdit aux femmes enceintes est bien visible. La première fois que j'ai lu, cet effet secondaire, et après que ma rhumatologue m'ait présenté le traitement, j'ai longuement réfléchi au moment de sa prise. Je dois prendre mon traitement une fois par semaine. Etant une jeune maman active, j'ai choisi de prendre le médicament le vendredi soir. Cela me permettait de m'assurer que le week-end je n'étais pas seule avec mon enfant, je n'avais pas à conduire, et moins de responsabilités professionnelles. L'effet secondaire, non précisé, mais qui pourtant est devenu une réalité, c'est que ma vie sociale en a été en conséquence plus que limitée. Lorsque vous tomber de fatigue dès le vendredi soir, et une fois sur deux, jusqu'au lundi soir, un restaurant entre amis le samedi midi, une visite de musée, que dire d'une soirée de mariage, tout vous épuise. Et la fatigue, peut être telle, que vous annulez de plus en plus souvent toute occasion sociale qui pourrait vous faire oublier quelques instants que vous avez mal. 

        Avec les traitements, viennent les effets secondaires et les effets indésirables. Alors dans le désordre, il y a les conséquences sur vos intestins, votre estomac, vos migraines. Des coup de faim ou au contraire des pertes d'appétit. Mais il y a aussi, les remontées acides, les ulcères, les problèmes gastriques en tout genre. Vont avec, la possibilité de comorbidités: cholestérol, diabète, dépression, uvéites, et autres inflammations se terminant en -ite. Le plus dur pour les médecins est de déterminer, si tous ces maux que vous allez tenter de décrire au mieux, souvent dans le désordre, sont la conséquence d'une évolution de votre maladie, de la prise d'un traitement, ou une apparition d'une comorbidité. Et comme la nature est bien faite. Votre corps peu à peu s'habitue à certaines molécules, elles agissent moins, elles sont moins efficaces. Il vous faut alors changer de traitements. Un  nouveau cycle recommence. Tester des traitements, stabiliser des traitements, puis découvrir de plus en plus d'effets indésirables, peser la balance bénéfice/ risque et décider des mesures à suivre. Il s'agit du travail des médecins, mais ils ne peuvent le faire, qu'à la condition que nous, patient nous impliquions dans notre parcours de santé. Sauf que pour s'impliquer, il faut que l'on comprenne, non seulement notre maladie, son évolution, mais aussi, les conséquences de chaque traitement. Vous voyez venir le problème. Avez vous déjà déplié et lu la notice d'une boite de médicament? Moi, oui, et sincèrement, entre le jargon chimique, le jargon médical, la taille de la police, les trois quatre proportion présentées de ci de là, et la longueur du texte, il vaut mieux être en possession de toutes ses capacités cognitives, pour comprendre le texte.

        Un autre effet secondaire, bien plus problématique est l'accoutumance aux traitement et l'addiction aux médicaments. Pour ne parler que du doliprane par exemple, un antidouleur de base. A forte dose, il détruit le système rénal. Au dessus, nous trouvons les opiacés. L'opium était apprécié au XIX° siècle dans les fumeries, mais bonjour les dégâts! Pour ma part, je réfléchis encore à deux fois avant de prendre un antidouleur. Je préfère souvent me passer de substitut et souffrir que de tomber dedans. Pourtant c'est bien magique comme produit, pendant quelques heures, rarement plus de quatre heures, s'ils sont vraiment efficace, je n'ai plus de message douloureux. Par contre, je suis légèrement stone. C'est un effet grisant, mais à partager avec personne. Pour le moment, je sens immédiatement ma perte de capacités cognitives, c'est d'ailleurs à cause d'elle, que je suis plus que prudente dans l'usage de ces substances. Je n'oublie jamais que tout médicament est à l'origine un  poison. C'est assez particulier d'avoir conscience qu'un produit peut vous apaiser, rendre invisible votre compagne douleur le temps de quelques heures, mais que dans le même temps, cette substance peut vous détruire d'autres organes, d'autres systèmes. 



        Pour moi, à ce stade de ma maladie, les désagréments sont dans cet ordre, mais ce n'est pas parce que vous connaissez un chat que vous connaissez tous les chats. Pour d'autres, j'ai bien conscience, que l'ordre est différent, la proportion de chaque désagrément diffère.